Un article d’Émilie Turck paru dans le supplément de la NVO.
Deux éléments, deux facteurs de
production sont nécessaires à la création de richesse : le travail et
le capital. Tous deux sont rémunérés et représentent donc un « coût »
pour l’entreprise. Le « coût du travail » nous est familier : il
revient en permanence depuis plusieurs années dans les propos des
gouvernants, des patrons et d’un certain nombre d’experts pour expliquer
la crise économique et la baisse de la croissance. Et surtout, pour
justifier des réformes qui tendent invariablement à aller dans le sens
d’une réduction de la rémunération du travail, des qualifications, des
salaires, en particulier de leur part « socialisée » sous la forme des
cotisations sociales, qualifiées de ruineuses pour la croissance
économique.
Mais l’autre coût, celui du capital, est passé sous silence. Le Medef ne
s’en plaint pas. Pourtant, son impact sur l’activité économique est
énorme et court des entreprises du CAC 40 jusqu’aux plus petites
sous-traitantes, affectant même l’action publique.
Mais la dépense ne s’arrête pas à ce coût économique. Lorsqu’elles veulent acheter et mettre en œuvre ces moyens de production, les entreprises doivent aussi rémunérer les personnes ou les institutions qui leur ont procuré de l’argent. Cet argent vient soit de prêteurs, comme les banques, soit d’actionnaires (fonds d’investissement, d’épargne mutuelle, fonds de pension, compagnies d’assurances). Ainsi, un coût financier s’ajoute au coût économique. Il consiste en intérêts versés aux prêteurs et en dividendes versés aux actionnaires pour rémunérer leurs apports en liquide lors des augmentations de capital, ou lorsqu’ils laissent une partie de leurs profits en réserve dans l’entreprise.
Les intérêts des prêts et les dividendes ont comme première justification de couvrir le risque encouru par les prêteurs et les actionnaires de ne jamais revoir leur argent, en raison de la possibilité de faillite de l’entreprise. C’est ce que l’on appelle le « risque entrepreneurial ». La seconde justification est qu’il y a une gestion administrative de l’activité financière – un service – qui consiste à transformer et aiguiller l’épargne liquide vers les entreprises. On admet donc que le coût financier rémunère en quelque sorte du risque, de l’expertise et du travail administratif.
La finance a en effet ce pouvoir exorbitant d’imposer aux entreprises le versement de cette rente à un niveau qu’elle fixe elle-même et qu’elle appelle « rentabilité du capital ». Nasser Mansouri-Guilani, économiste de la CGT, résume : « Avec les mesures de déréglementation et de libéralisation des économies, les marchés financiers ont pris du pouvoir et désormais la logique financière l’emporte sur la logique industrielle. Auparavant, on commençait par produire, puis avec l’argent de cette production on rémunérait le capital. À présent, la rémunération du capital est devenue le but ultime de l’entreprise, et l’orientation de la production, c’est-à-dire ce qu’il convient de produire, où (ici ou à l’étranger) et avec quels moyens se fait en fonction de l’intérêt de la finance. » L’exigence de rentabilité augmente et, avec elle, la part des dividendes et donc le coût global du capital. Pourquoi ? Parce que les capitaux peuvent se déplacer rapidement, et donc « exercer une pression avec laquelle ils s’imposent partout […], puisque l’exigence vis-à-vis des entreprises du CAC 40 s’impose aussi, par ricochet, aux sous-traitants ». La norme financière place la barre très haut pour les projets d’entreprise, dont le seuil de rentabilité doit désormais avoisiner les 15 % du capital investi.
Coût économique, coût financier
Pour bien comprendre de quoi il est question quand on parle du coût du capital, il faut tout d’abord distinguer le coût économique du coût financier. Le coût économique concerne l’ensemble des moyens de production : machines, bureaux, usines, moyens de transport, infrastructures, brevets industriels, etc., que l’entreprise doit fabriquer ou acquérir, entretenir et remplacer quand ils sont usés ou dépassés par le progrès technique. Ce que l’on appelle couramment les « dépenses d’investissement » représente en quelque sorte le « vrai » coût du capital, dans le sens de « capital productif ».Mais la dépense ne s’arrête pas à ce coût économique. Lorsqu’elles veulent acheter et mettre en œuvre ces moyens de production, les entreprises doivent aussi rémunérer les personnes ou les institutions qui leur ont procuré de l’argent. Cet argent vient soit de prêteurs, comme les banques, soit d’actionnaires (fonds d’investissement, d’épargne mutuelle, fonds de pension, compagnies d’assurances). Ainsi, un coût financier s’ajoute au coût économique. Il consiste en intérêts versés aux prêteurs et en dividendes versés aux actionnaires pour rémunérer leurs apports en liquide lors des augmentations de capital, ou lorsqu’ils laissent une partie de leurs profits en réserve dans l’entreprise.
Les intérêts des prêts et les dividendes ont comme première justification de couvrir le risque encouru par les prêteurs et les actionnaires de ne jamais revoir leur argent, en raison de la possibilité de faillite de l’entreprise. C’est ce que l’on appelle le « risque entrepreneurial ». La seconde justification est qu’il y a une gestion administrative de l’activité financière – un service – qui consiste à transformer et aiguiller l’épargne liquide vers les entreprises. On admet donc que le coût financier rémunère en quelque sorte du risque, de l’expertise et du travail administratif.
La « rentabilité » du capital
Mais il y a toute une partie de ce coût global du capital qui ne se justifie par rien et vient surcharger inutilement le « vrai » coût. C’est de la rente indue, un « surcoût » du capital qui se chiffre à environ 100 milliards d’euros annuels, soit, selon le mode de calcul utilisé, entre 50 et 70 % du coût total du capital pour l’entreprise. Pour prendre un exemple concret, quand une machine coûte 100 euros par an (avec la marge de profit), l’entreprise paye entre 150 et 170 euros parce qu’elle doit verser une rente injustifiée économiquement aux apporteurs d’argent que sont les actionnaires.La finance a en effet ce pouvoir exorbitant d’imposer aux entreprises le versement de cette rente à un niveau qu’elle fixe elle-même et qu’elle appelle « rentabilité du capital ». Nasser Mansouri-Guilani, économiste de la CGT, résume : « Avec les mesures de déréglementation et de libéralisation des économies, les marchés financiers ont pris du pouvoir et désormais la logique financière l’emporte sur la logique industrielle. Auparavant, on commençait par produire, puis avec l’argent de cette production on rémunérait le capital. À présent, la rémunération du capital est devenue le but ultime de l’entreprise, et l’orientation de la production, c’est-à-dire ce qu’il convient de produire, où (ici ou à l’étranger) et avec quels moyens se fait en fonction de l’intérêt de la finance. » L’exigence de rentabilité augmente et, avec elle, la part des dividendes et donc le coût global du capital. Pourquoi ? Parce que les capitaux peuvent se déplacer rapidement, et donc « exercer une pression avec laquelle ils s’imposent partout […], puisque l’exigence vis-à-vis des entreprises du CAC 40 s’impose aussi, par ricochet, aux sous-traitants ». La norme financière place la barre très haut pour les projets d’entreprise, dont le seuil de rentabilité doit désormais avoisiner les 15 % du capital investi.
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