Par cette déclaration générale, nous
allons tenter de contribuer à la conférence nationale sur l'évaluation
des élèves, sans pour autant savoir si nous allons réussir à « fabriquer
du consensus », pour reprendre l'expression du comité d'organisation.
De fait, il nous semble compliquer de trouver un consensus sur ce sujet
sachant que de nombreuses réformes de ces dernières années ont
aggravé les inégalités sociales, scolaires et territoriales et tendent à
renforcer l'arbitraire en matière d'évaluation. Un travail sur
l'évaluation des élèves passe aussi par un retour sur un certain nombre
de réformes (lycéeS, socle commun...) et plus globalement interroge
tout le système scolaire...
L'évaluation des élèves est improprement résumée aux notes. C'est
point important pour nous, et cela permet déjà d'élargir un débat bien
trop souvent résumé à « faut-il supprimer ou pas les notes ? ». Un
certain nombre des éléments de ce débat se retrouvent d'ailleurs dans
les question comme celles du redoublement ou du décrochage scolaire. On
retrouve ainsi un peu les mêmes questions comme « faut-il supprimer le
redoublement ou pas ? ». Même si elle est largement répandue,
l’évaluation par la notation pose problème car elle ne constitue pas une référence objective dans l’évaluation.
Les écarts de note varient pour de multiples raisons. La notation
produit statistiquement de l’échec par le tri qu’elle induit. Il faut
favoriser l'évaluation formative plutôt que l'évaluation sanction.
Globalement, la
façon dont sont évalué-e-s les élèves se construit encore aujourd'hui
avec une vision séquentielle des apprentissages qui va de paire avec une
vision séquentielle du système scolaire.
Les notes renforcent alors l'individualisation et s'accompagnent très souvent d’une culpabilisation où chaque élève est tenu-e responsable de son propre échec.
L’évaluation est un acte professionnel fort qui nécessite une formation pour le maîtriser. Telle
qu'elle est pratiquée, elle inscrit les élèves dans une idéologie de la
performance, de la sélection et de la concurrence. Elle est en cela
contestable et il est nécessaire de réfléchir et de former les
enseignant-e-s à d’autres modalités pour favoriser l’évolution des
élèves dans leurs apprentissages.
Il
existe d’autres types d’évaluations que celle par notation. Nous sommes
favorables à l'encouragement d'expérimentations assorties des moyens
estimés nécessaires par les enseignant-e-s. Nous avons besoin d'un
retour sur toutes ces expérimentations. Cela
nous apportrerait beaucoup pour avancer sur le sujet. Et cela nous
montrerait aussi la richesse souvent ignorée de ce qu'il se passe sur le
terrain.
De manière générale, l’évaluation n’est utile que si elle est comprise par l’élève et s’il/elle est partie prenante de son évaluation.
Il faut permettre à chaque élève de s'investir dans son évaluation,
c'est ce qui permettra le progrès dans les apprentissages, la
compréhension des erreurs favorisera la réussite. Une évaluation ne peut
être utile pour l'élève que si elle amène par la suite à une aide qui
lui permettra de progresser et de comprendre ses difficultés. Cela
demande donc des moyens humains supplémentaires pour former des groupes
de remédiation.
Au
fond, ce qui est plus qu'en creux dans ce débat, c'est l'évaluation par
compétences. C'est de notre point de vue un débat faussé car tout nous
semble joué d'avance pour justifier l'idéologie du Socle Commun et ce
type d'évaluations. Au-delà
du recentrage sur des fondamentaux discutables et qui instituent une
hiérarchie implicite entre les disciplines, le Livret de Compétences,
nous pourrions dire les Livrets de Compétences, s'apparente bien à un
outil de tri sélectif plus qu'à un outil de remédiation. Un mélange est
fait entre connaissances, capacités et attitudes, impliquant une
évaluation des savoirs mais aussi de comportements et attitudes qui
dépassent de loin les prérogatives de l'institution scolaire. De fait,
une grande partie des attitudes qu'on demande d'évaluer relèvent très
largement d'acquis socio-culturels ou de dispositions personnelles non
enseignées car non enseignables, d'autres renvoient purement et
simplement à des jugements de valeur normatifs et profondément
subjectifs. Bref, l'évaluation par compétences est à rejeter car elle est trop réductrice.
Enfin, la question de l'évaluation percute la question de la certification et donc de la valeur des diplômes. Ceci
est d'autant plus important dans la voie professionnelle à la fois du
fait de la position certificative de cette voie et du fait de la
généralisation des CCF (Contrôles en Cours de Formation). Ces CCF, nous
le savons aujourd'hui par l'expérience, portent un sérieux discrédit à
la valeur nationale des diplômes. Dans la consultation organisée par le
ministère auprès des personnels, le rejet des CCF a été l'un des
enseignements les plus forts. La CGT Educ'action se prononce contre
l'évaluation par le mode du CCF dans l'enseignement professionnel. Elle
considère qu'une réflexion doit être menée sur les modalités d’une part
de contrôle continu en CAP.
Je
terminerai en restant sur les CCF par une anecdote personnelle. Il y a
plus de 10 ans, dans mon ancien lycée professionnel sur le 93, nous
avions eu avec l'inspection des échanges sur les CCF. Pour les
justifier, il nous avait été expliqué que cela permettrait entre autre
de moins stresser les élèves. Soit, mes le stress des enseignant-e-s
alors ? Prenez du Léxomil nous avait-il été répondu. Il s'agissait là
d'une provocation mais tout de même, j'insisterai donc pour terminer
pour que les enseignant-e-s ne soient pas oubliés dans ce débat : améliorons
l'évaluation des élèves oui, mais ne dégradons pas la situation des
personnels en parallèle. C'est là une inquiétude qui n'est pas
anecdotique. Il a été fait référence à la conférence de consensus ayant
eu lieu au ministère de la Justice. Nos camarades du ministère de la
Justice finissaient leur contribution ainsi : Un
consensus ne pourra se faire sans les professionnels de terrain,
professionnels qui ont des parcours riches d’expériences, de pratiques
professionnelles partagées inscrites dans les réseaux partenariaux.
Donnez-leur la parole, mais une parole libre, libérée du carcan de
l’institution... pas mieux !
La déclaration au format
Lire le document "Présentation de la Conférence nationale sur l’évaluation des élèves" remis aux membres du CSE le du 8 octobre 2014
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