Déclaration de la CGT
Madame la Ministre,
Mesdames, Messieurs les membres du CSE
Mesdames, Messieurs les membres du CSE
Vous maintenez donc à l'ordre du jour un avant-projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs.
Partons de quelques points que l’on retrouve dans l’exposé des motifs, censé résumer la philosophie de l’avant-projet de loi.
Il est d’abord affirmé que ce projet de
loi est placé sous le signe de la « confiance » dans les partenaires
sociaux et leur capacité à innover et à trouver des compromis adaptés.
Si l’on s’en tient à la méthode adoptée quant à l’élaboration de ce projet de loi, il y a de quoi contester cette affirmation.
L’article L.1 du Code du travail,
d’ailleurs repris dans le Titre I du projet de loi, stipule que tout
projet de réforme de la législation du travail envisagé par le
gouvernement qui relève du champ de la négociation nationale
interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les
partenaires sociaux en vue de l’ouverture éventuelle d’une négociation.
La période récente a déjà été marquée par une interprétation discutable
de cette disposition (loi pour la croissance, l’activité et l’égalité
des chances économiques pour les articles relevant du droit du travail
ou encore la loi habilitant le gouvernement à simplifier et sécuriser la
vie des entreprises).
Une nouvelle étape est franchie avec le
texte qui nous est aujourd’hui soumis en consultation, notamment du fait
de l’étendue des articles et des sujets sur lesquels il intervient,
comme le temps de travail ou encore la modification de la définition du
licenciement économique. Sur ce point les organisations syndicales de
salariés ont été mises devant le fait accompli face à une disposition
manifestement concédée sous la pression du Medef. Il n’y a même pas eu
de transmission officielle du texte. Diverses versions ayant circulé,
suite à la contestation, des discussions ont finalement été ouvertes
avec les organisations syndicales. Alors que des rencontres entre le
gouvernement et les syndicats sont programmées aujourd’hui, vous nous
représentez le texte du 29 février qui ne peut pas prendre en compte les
évolutions et dans lequel les coquilles et incohérences n’ont même pas
été corrigées. Là aussi, le fait que nous nous réunissions ce matin
laisse présager qu'aucune négociation ne sera possible lors des
rencontres avec le Premier Ministre.
La CGT
le redit, il convient de redéfinir un mécanisme de concertation allant
plus loin que l’article L.1. La concertation devrait être tripartite
impliquant le gouvernement et/ou les parlementaires à l’origine d’une
proposition de réforme en droit social.
Au-delà de la méthode, il y a bien une
question de confiance qui est posée, mais ce n’est pas tout à fait celle
définie dans l’exposé des motifs. Ce qui saute aux yeux avec ce projet,
c’est l’absence de confiance du gouvernement dans la capacité à bâtir
une société où le travail soit une source d’épanouissement, de
réalisation de soi, une contribution essentielle au « bien vivre
ensemble » et au développement économique et social. Au lieu de miser
sur cette confiance, le gouvernement s’obstine à ne penser le travail
que sous la pression idéologique d’un « coût » à réduire.
C’est ce qui traverse l’ensemble de cet
avant-projet, c’est ce qui fait sa nocivité, c’est ce qui conduirait à
un recul historique s’il était adopté.
La philosophie du projet met aussi en
avant l’ouverture par la négociation d’un vaste espace d’adaptation aux «
besoins économiques ». Chaque partie du Code du travail sera réécrite
selon une nouvelle architecture : les règles d’ordre public, le champ
renvoyé à la négociation collective, les règles supplétives en l’absence
d’accord. Fondamentalement, ce que porte ce projet de loi, c’est que
les droits et les garanties devraient s’effacer devant les impératifs
économiques, les intérêts financiers notamment des actionnaires.
Quant à la négociation collective, on
comprend à la lecture du projet que le seul objectif qui lui est assigné
soit l’adaptation aux besoins économiques. On s’éloigne un peu plus
d’un droit des salariés mis en œuvre par les organisations syndicales :
la négociation collective serait destinée à s’inscrire dans la course au
moins disant social pour les salariés et les entreprises. On peut
d’ailleurs s’inquiéter de l’apparition de la notion de « bon
fonctionnement de l’entreprise » qui ouvre à toutes les interprétations
au regard de la protection des travailleurs.
Ce projet de loi sanctuarise la tendance
qui ronge la négociation collective depuis des années et rend plus
complexe le droit du travail : ouvrir sur un maximum de dérogations que
l’employeur pourra imposer par accord d’entreprise. Tout ceci au nom
d'un soi-disant coût du travail.
Pour ce qui nous concerne aujourd'hui,
nous pouvons même nous demander quelle peut être la nécessité pour un
apprenti de faire des heures supplémentaires. Est-il réellement en
formation ou n'est-il pas simplement une main d'œuvre bon marché ?
Si le projet instaure le principe des accords majoritaires - que la CGT
demande depuis des années - celui-ci est d’emblée contrebalancé par le
recours possible au référendum par les organisations représentant 30 %
des suffrages. La manœuvre, un peu grossière, dissimule mal l’objectif
de contourner la capacité de résistance des organisations syndicales et
des salariés au chantage exercé par un certain nombre d’employeurs. On a
vu la division entre salariés, catégories de personnel que cela peut
générer. Est-ce cela favoriser la vitalité et la confiance dans le
dialogue social ? Est-ce cela la sérénité dans l’entreprise ?
Madame la Ministre, pour la CGT
cet avant-projet ne doit pas se traduire comme tel dans la loi. Les
organisations syndicales et les organisations de jeunesse qui ont
manifesté partout en France le 9 mars, ont envoyé un message fort
considérant que « le droit collectif n’est pas l’ennemi de l’emploi ».
A la CGT,
nous sommes résolus à travailler, dans l’unité la plus large, à une
réaction forte et coordonnée du monde du travail pour contrer ce projet
mais ouvrir d’autres perspectives que celles sous-tendues par celui-ci :
les protections sociales ne sont pas la cause du chômage ! Ce qui doit
être à l’ordre du jour, c’est la prise en compte de droits nouveaux pour
répondre aux défis du XXIème siècle. La CGT
ne manque pas de propositions dans ce sens pour instaurer une véritable
sécurité sociale professionnelle, s’appuyer sur une augmentation des
salaires et la réduction du temps de travail à 32 heures. Il faut
fortifier le code du travail, redonner le sens du progrès social à la
négociation collective pour répondre aux besoins des travailleurs
d’aujourd’hui.
Lire les interventions de la CGT-Éduc'action sur le projet de loi « Egalité et citoyenneté » et le projet de loi relatif au travail
- Les articles 14 et 22 du projet de loi "Egalité et citoyenneté"
- Les articles 6, 32, 34 et 36 du projet de loi travail
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