Projet de loi « Liberté de choisir son avenir professionnel »
Les objectifs de cette loi seraient de « donner
de nouveaux droits aux personnes pour leur permettre de choisir leur
vie professionnelle tout au long de leur carrière» et de «renforcer
l’investissement des entreprises dans les compétences de leurs
salarié·es... ».
Or, cette loi supprime des droits aux salarié·es et retire des moyens aux entreprises pour former leurs salarié·es...
« Renforcer l’investissement des entreprises dans les compétences de leurs salarié·es... »
Comment «renforcer l’investissement des
entreprises dans les compétences de leurs salarié·s» en persistant à
réduire leur obligation de financement et en confisquant une partie de
leurs investissements pour former leurs salarié·es afin de financer les
formations des demandeurs·es d’emploi.
Il ne s’agit pas d’exonérer les
entreprises de leur responsabilité sur la formation des salarié·es
qu’elles ont licencié·es et dont elles ont «consommé» les compétences
mais ça ne peut se faire au détriment des salarié·es qui restent en
emploi.
Par ailleurs, le droit des jeunes sans qualifications d’avoir un abondement en heures à hauteur de leurs besoins a été supprimé.
En 2014, la baisse de la contribution
légale a représenté près de 2 milliards et demi de moins pour la
formation des salarié·es dans les entreprises.
Avec les taux évoqués dans ce projet de
loi, c’est encore 1,5 milliard de moins. En deux réformes c’est près de 4
milliards en moins sur les 13 milliards de dépenses de formation des
entreprises.
Drôle de manière de renforcer l’investissement des entreprises dans les compétences de leurs salarié·es...
« Donner de nouveaux droits aux personnes pour leur permettre de choisir leur vie professionnelle tout au long de carrière »
De quels nouveaux droits parle-t-on ?
Le Compte Personnel de Formation existe depuis 2013.
Son évolution, qui en fait la seule
entrée en formation possible à l’initiative de la personne, ne fait
qu’accentuer le renvoi sur l’individu de la responsabilité et la charge
de son employabilité.
Les évolutions envisagées vont même jusqu’à rendre plus complexe l’utilisation du CPF pour un projet partagé.
500 euros annuels, c’est très
insuffisant ! Il faudra par exemple dix ans de compte personnel de
formation nouvelle formule pour prétendre à un CAP de fleuriste ou de
boulanger, quinze ans pour devenir ambulancier, ou encore quarante-huit
ans pour faire l’équivalent d’un CIF de reconversion ! Mais la durée de
cumul maximum est de 10 ans soit 10 fois 500 ou 800 €. Les stagiaires
devront payer plusieurs milliers d’euros de leur poche !
Une des rares dispositions du code du travail répondant aux besoins des personnes est supprimée.
Pour rappel, Article L6323-7 dispose que
le droit à une durée complémentaire de formation qualifiante, mentionné
à l’article L. 122-2 du code de l’éducation, se traduit, lorsque cette
formation est dispensée sous le statut de stagiaire de la formation
professionnelle, par l'abondement du compte personnel de formation à
hauteur du nombre d'heures nécessaires au suivi de cette formation.
En abrogeant cet article, vous tuez la formation initiale différée pourtant nécessaire à beaucoup
On nous explique que cette fameuse
«liberté de choisir son avenir professionnel» repose, en outre, sur le
développement et la facilitation des mobilités professionnelles.
Alors pourquoi supprimer le seul
dispositif efficace en la matière : le congé individuel de formation au
prétexte qu’il ne bénéficierait pas à un nombre suffisant de salarié·es
?
Voilà donc un dispositif, le CIF,
qui permet de répondre aux besoins de mobilité choisie, qui profite aux
salarié·es les moins qualifié·es et particulièrement ceux et celles des
plus petites entreprises. Tout ce que ce gouvernement déclare vouloir
prioriser.
Et au prétexte qu’il ne bénéficie pas à
suffisamment de personne, on le supprime au lieu de le développer et de
le généraliser. Une logique implacable !
Le CIF serait remplacé par le CPF de
transition. Mais ce n’est pas la même chose et ça n’a pas le même objet.
Il ne vise pas les mêmes formations et les conditions d’accès et de
prise en charge sont bien plus défavorables aux salarié·es.
Que dire de la nouvelle définition de l’action de formation ?
La Loi Delors parlait d’éducation
permanente car à cette époque, on avait mesuré que l’efficacité des
salarié·es était certes en lien avec leurs compétences mais également,
et plus généralement, avec leurs connaissances, leur culture, leur
développement personnel et leur bien-être.
En lui substituant, en 2003, la notion
de formation tout au long de la vie, le législateur renvoyait déjà à une
formation utilisatrice à court terme.
Avec la définition par le projet de loi
de l’action de formation «comme un processus pédagogique permettant
l’atteinte d’un objectif professionnel», plus d’ambiguïté possible. La
formation professionnelle n’a plus pour objet que de répondre aux
besoins immédiats du «marché» et plus aux besoins des personnes.
Une vision à court terme qui a fait la
preuve de son inefficacité depuis plusieurs décennies et encore
récemment démontrée dans un rapport de France Stratégie sur les
pratiques d’embauche dans les PME.
Apprentissage
L’apprentissage ne sera plus piloté par
les Régions mais par les branches professionnelles. Il sera régulé par
le marché. Les branches pourront aussi intervenir dans l’élaboration du
contenu des formations, sur les ouvertures ou les fermetures de
formations.
Comme les CFA vont être rémunérés au
contrat, comme les Régions vont perdre la gestion de la taxe
d’apprentissage, les inégalités territoriales risquent de s’amplifier
car les CFA les plus petits ou les plus fragiles risquent de fermer. Ils
ne bénéficieront plus des investissements des Régions. La Région ne
pourra plus exercer de régulation. Les personnels des lycées
professionnels et des CFA seront précarisés.
Le financement au contrat de
l’apprentissage accentue sa mise en concurrence avec le contrat de
professionnalisation alors que les deux contrats ont des fonctions
différentes et complémentaires qu’il faudrait, au contraire préciser
pour une meilleure articulation de ces deux dispositifs.
L’apprentissage, comme les autres cursus
de formation initiale, doit rester un service public de l’éducation.
Dans le cas contraire, il ne serait plus accessible à tous et toutes.
Une dérive inquiétante est de voir le développement de formations en
simple adéquation avec le marché de l’emploi local.
Le danger c’est aussi la disparition des
diplômes et des titres au profit de blocs de compétences qui seront
déconnectés des salaires de référence et des grilles de classification.
L’apprentissage jusqu’à 30 ans, c’est
payer au rabais des adultes qui pourront déjà avoir un haut niveau de
qualification et être opérationnels sur la quasi-totalité de leur
emploi.
Alors que les gouvernements successifs
n’ont eu de cesse de démanteler les différentes missions de l’AFPA, il
est bien temps maintenant de faire semblant de s’occuper des besoins
sociaux des jeunes. La petite augmentation prévue ne suffira pas à
régler un double hébergement, la restauration, les frais de transport
pour les plus jeunes, alors que leur patron touchera des aides ou
bénéficiera d’exonérations qui rembourseront tout ou partie des
salaires.
Bref, ce ne sont ni les besoins des
jeunes et de leurs familles, ni les besoins de l’économie nationale en
termes d’élévation des niveaux de qualification qui sont mis en avant.
Les campagnes idéologiques successives
font de l’apprentissage la solution miracle pour lutter contre le
chômage… Mais la formation ne crée pas l’emploi !
Orientation
Ce projet de loi qui prévoit la
fermeture des Centres d'informations et d'orientation ainsi que le
transfert du personnel des directions régionales de l'Onisep aux régions
finalise la destruction du service d'État d'orientation.
Ces attaques sont inacceptables. La CGT
dénonce depuis des années une politique de casse du service public de
l’Orientation mettant en grand danger les CIO et fragilisant le service
aux usagers·ères. C’est une mesure unilatérale prise par le gouvernement
au profit des collectivités locales. La CGT
s’inquiète pour l’égalité de traitement de l’ensemble des élèves sur le
territoire, ainsi que de la qualité de l’information et de
l’objectivité des propositions. Elle dénonce également les conséquences
sociales sur les personnels (très souvent précaires) de ce secteur. Ce
projet conforte d’ailleurs notre inquiétude (survenue au moment de la
création du nouveau corps) sur la possible décentralisation des PsyEN.
En effet, si aujourd’hui on nous promet que ces personnels formés seront
affectés dans les établissements, cette réforme globale favorisera à
terme un transfert de missions.
Enfin, si on additionne les dispositions
des ordonnances et la suppression de la catégorisation des actions de
formation dans le plan de formation, il ne reste plus rien aux
représentants des salarié·es pour s’impliquer dans la construction et la
mise en œuvre de la politique de formation dans l’entreprise.
Là encore, de quels nouveaux droits parlons-nous ?
À ces éléments déjà nombreux, justifiant à eux seuls un avis défavorable, nous pourrions ajouter :
- La financiarisation du CPF qui accentue l’isolement de la personne face à ses besoins de formation
- Le paiement au contrat de l’apprentissage qui va nuire à la qualité des formations et qui va entraîner une grande plus grande précarité des formateurs/trices en CFA
- Une politique de certification aux seules fins adéquationistes.
- Et plus largement la confiscation par l’État de la part de salaire socialisé finançant la formation professionnelle et l’assurance chômage pour en renvoyer la charge sur la personne.
La déclaration au CSE du 12 avril 2018 au format
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