Depuis quelques jours, l’enseignement catholique est agité par un nouveau scandale.
Après Stanislas à Paris, l’Immaculée Conception à Pau, le Caousou à Toulouse, Jean-Paul II à Compiègne, voici que ND de Bétharram, établissement catholique lui aussi sous contrat, fait l’objet de plusieurs plaintes.
Cette
institution, réputée pour ses conditions « strictes » d’accueil des
jeunes, fait l’objet d’une information judiciaire. Durant ces décennies,
des violences exercées à l’encontre des élèves ont été dénoncées, mais,
comme bien souvent dans l’enseignement catholique : l’omerta prévaut.
Pourtant, selon le porte-parole des victimes du collège-lycée catholique des Pyrénées-Atlantiques, Alain Esquerre, « c’était de notoriété publique » : l’établissement était violent. D’après lui « tout le monde savait« ,
notamment dans le cercle de notables du département. Mais il a fallu
attendre 2024 pour que les victimes soient écoutées : plus d’une
centaine d’élèves ont déposé plainte pour des violences et agressions
sexuelles, subies entre les années 1950 et 2010
Sur ce dossier,
F.Bayrou qui n’a par ailleurs jamais de mots assez durs contre la délinquance (qu’il gifle devant les caméras) incarne ce silence:
la macronie parle d’un « manque de précisions »; Mediapart de mensonges
: le premier ministre n’admet pas avoir su et couvert ses proches
impliqués en se taisant.
« Pas de vagues » sur toute la ligne…
Acteur central : la tutelle,
elle peut être diocésaine ou, comme ici, congréganiste. Son rôle est
notamment de choisir le chef d’établissement. Ce salarié de droit privé
payé par une association employeur (OGEC) doit faire fonctionner
l’établissement (destinataire de fonds publics) selon une « lettre de
mission ».
Ici
la congrégation du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram a désigné des
ecclésiastiques pour diriger le collège-lycée. Parmi eux, le père Pierre
Silviet-Carricart s’est suicidé en l’an 2000 après avoir été accusé à
multiples reprises de viols. Son successeur, l’évêque Vincent Landel,
est quant à lui accusé d’avoir minimisé les agressions voire d’avoir
fait pression sur les victimes.
Face à ces tutelles, le positionnement des rectorats peut être extrêmement flou
: l’existence du maillon DDEC-congrégations sert trop souvent d’alibi à
l’administration pour ne pas agir. Employeure des enseignant·es et
AESH, l’académie est pourtant garante de l’application du contrat avec
l’Etat et notamment de la sécurité des élèves.
Résultat
connexe : quand il y a un problème (entre direction ou parent et
enseignant·e) le rectorat renvoie la balle aux DDEC ou aux tutelles
congréganistes, se déchargeant ainsi de toute responsabilité vis-à-vis
des personnels de droit public.
Constat d’omerta similaire du coté des pouvoirs publics
: suite à une enquête très fouillée de Médiapart, les journalistes
d’investigation affirment que François Bayrou avait été informé de ces
violences dès les années 90. Le premier ministre, maire de Pau (depuis
2014) était alors Ministre de l’Éducation nationale (1993-1997) et
parallèlement président du Conseil général (1992-2001) et député des
Pyrénées atlantiques (2002-2012).
Enfin la parole des victimes et les lanceur·euses d’alerte est prise au sérieux !
Si du côté d’E.Borne, le silence est total… le Ministère de l’Éducation nationale a fini par réagir ce 14 février,
demandant enfin au rectorat de Bordeaux d’inspecter l’établissement.
C’est mieux que rien, mais il est regrettable que la lutte contre les
violences ne s’engage que lorsque le ministère s’y sent contraint par la
pression médiatique provoquée par l’action des victimes.
Dès lors que ces contrôles n’ont pas lieu, ne s’agit-il pas d’une forme d’accord tacite entre les rectorats et les autorités religieuses ? À de nombreuses reprises, la CGT EP a alerté les rectorats sur des atteintes aux droits/libertés fondamentales et à la laïcité sans que ceux-ci ne réagissent.
Contrôle et prévention
La CGT-EP rappelle que des contrôles sont possibles et indispensables ainsi que le recommandent le rapport de la Cour des Comptes (2023) et celui de Vanier-Weissberg (2024).
Tout
établissement accueillant des mineur·es – et surtout s’il fonctionne
sur fonds publics – doit se conformer aux programmes et rendre des
comptes. De même, il faut donner aux personnels et à leurs organisations syndicales, les moyens d’exercer leur rôle d’alerte et de contre-pouvoir.
Ces dernières sont des garde-fous connaissant parfaitement le système
de l’intérieur. Tenir compte de leur expertise, c’est permettre
d’améliorer les conditions de travail des personnels et d’accueil des
élèves.
Pour faire cesser la silenciation insupportable dans les établissements privés catholiques sous contrat,
comptons sur notre action syndicale et collective !
Depuis
des mois les scandales s’égrènent sans que rien ne se passe.
Contrairement à ce qui se déroule dans les établissements sous contrat
musulmans, l’idée de retrait du contrat d’association n’est même pas
évoquée. Combien faudra-t-il de victimes, de personnels en souffrance
pour que l’État accepte de prendre ses responsabilités ?
La CGT-EP regrette notamment que le positionnement du Secrétariat de l’Enseignement catholique ait été – même partiellement* – pris en compte sur le sujet de l’EVARS. Ce
n’est pas au SGEC d’écrire les programmes. Les rapports Sauvé et de la
CIVISE sont autant d’éléments démontrant que tou·tes les jeunes des
établissements publics comme privés doivent accéder au même niveau de
formation et d’information pour se prémunir face aux discriminations et
aux violences sexistes et sexuelles : familiales ou ecclésiales.
La CGT-EP demande donc que des moyens conséquents soient fléchés vers :
-
- le contrôle régulier, rigoureux et massif des établissements (financement et fonctionnement). La promesse de 40% d’établissements contrôlés ne suffit pas surtout si seuls 10% des contrôles sont prévus « sur site » (et le reste « sur dossier »)
- la prévention des violences (formation des personnels notamment cell·eux de Vie scolaire en première ligne au contact des enfants, application des programmes de l’EVARS dans tous les établissements y compris confessionnels…)
- une politique de protection de l’enfance progressiste et émancipatrice aux antipodes du slogan démagogue « restaurer l’autorité » de G. Attal.
Si une autorité doit être restaurée, c’est celle des pouvoirs publics
– face aux dérives d’institutions laissées sans contrôle durant des décennies
– face à ses propres représentants (payés par les contribuables)
qui ont couvert de telles dérives aux seules fins
de préserver l’entre-soi et leur place sur l’échiquier politique.
*L'existence de ces programmes est une avancée mais la version présentée le 29/01 a acté un certain nombre de reculs (notamment sur la transphobie). Le Café pédagogique, Libération
Éducation à la Vie Affective Relationnelle et Sexuelle, un programme ambitieux pour l’égalité - (CGT Educ 30/01/2025)
Déclaration liminaire à la commission d’enquête sur les manquements des politiques publiques de la protection de l’enfance (CGT Santé Action sociale - 22/02/2025)
La protection de l’enfance est en danger: avis adopté par le CESE (11/10/2024)