L'enseignement professionnel public
subit des attaques sans précédent de la part des organisations
patronales, du gouvernement, des Régions, comme de certains
parlementaires. Accusée à tort d'être éloignée de l'entreprise et des
compétences nécessaires à l’emploi, la voie professionnelle sous statut
scolaire ne colle pas à l’image que ses détracteurs cherchent à imposer.
Alors que les mesures financières et les propositions de lois prônent
aujourd’hui le développement de l'apprentissage pour prétendre lutter
contre le chômage des jeunes, il est indispensable de rappeler que
l'enseignement professionnel public doit conserver sa première place
dans la formation professionnelle des jeunes et doit rester au sein des
ministères de l’Education nationale et de l'Agriculture, garants du
service public d'éducation pour tou-tes...
L'enseignement professionnel public
scolarise 700 000 jeunes soit un tiers des lycéen-nes. Majoritairement
issu-es des classes populaires, ces futurs employé-es, ouvrier-ères,
artisan-es, responsables d'entreprises, participeront au développement
économique du pays dans les années à venir et sont toutes et tous
formé-es en alternance. Il existe, par exemple, 22 semaines de stage,
appelées période de formation en milieu professionnel (PFMP) pour le
baccalauréat professionnel. Sans la création de ce diplôme, qui a fêté
ses 30 ans cette année, l'objectif de 80 % d'une classe d'âge au niveau
bac n’aurait pas été atteint. Quant au CAP, aujourd'hui centenaire et
toujours reconnu par les conventions collectives comme premier niveau de
qualification, il est préparé pour près de la moitié par des jeunes
sous statut scolaire (parmi lesquels 98 % des élèves les plus fragiles,
issu-es de SEGPA, y accèdent). Et nombreux-ses sont les élèves de la
voie professionnelle à avoir des parcours réussis dans leurs entreprises
ou des poursuites d’études remarquables dans l’enseignement supérieur.
Le MEDEF ne se contente pas d’attaquer
la voie professionnelle en valorisant uniquement l’apprentissage : il
prétend mettre la main sur la conception des diplômes aujourd’hui sous
le contrôle des ministères de l’Education nationale et de l'Agriculture,
tout en refusant de détacher les salarié-es pour les travaux des
Commissions Professionnelles Consultatives (CPC). Les CPC ont pour
mission de faire évoluer les formations et les diplômes en fonction des
évolutions des métiers et les entreprises y sont évidemment représentées
par l'intermédiaire de leurs organisations patronales et de
salarié-es.
Par ailleurs, les entreprises
participent à la délivrance des diplômes professionnels par
l’intermédiaire des tuteurs et tutrices qui accueillent les élèves de
lycées professionnels en stage et contribuent aux évaluations
professionnelles qui certifient les diplômes. Les lycéen-nes bénéficient
d'un nombre conséquent d'heures d'enseignements général et
professionnel dans nos établissements publics, même si la réforme du Bac
Pro en 3 ans a malheureusement réduit ces temps. Cette rénovation de la
voie professionnelle l'a fragilisée et les mesures annoncées le 29
janvier dernier par la ministre de l’Éducation nationale ne compenseront
pas la suppression d'un an de formation.
Non, l'enseignement professionnel public
sous statut scolaire n'est pas éloigné des entreprises. Celles et ceux
qui claironnent le contraire poursuivent plusieurs objectifs : récupérer
l’enseignement professionnel sous statut scolaire pour le mettre sous
la seule responsabilité des entreprises, diminuer les heures
d'enseignement général indispensables à la formation et à l’émancipation
de tou-tes les élèves, casser les diplômes de la voie professionnelle
et couper le lien formation – qualification - rémunération. Les jeunes
les moins qualifiés sont les plus touchés par le chômage, le projet des
détracteurs de la voie professionnelle sous statut scolaire n’est donc
clairement pas de lutter contre le chômage des jeunes.
Prétendant justement lutter contre le
chômage des jeunes, le gouvernement et les Régions participent à cette
remise en cause de la voie professionnelle publique sous statut scolaire
en promouvant et en finançant très largement le système de
l'apprentissage. L’investissement public pour un-e apprenti-e est de 18
700 euros (coût en 2012, source "CNEFOP - Rapport apprentissage -
Janvier 2015") quand il est de 12 210 pour un-e lycéen-ne
professionnel-le (coût en 2013, source "Direction de l'évaluation, de la
prospective et de la performance - Repères et références statistiques
2015"). Et, contrairement aux idées reçues, l'apprentissage est moins
efficace en termes d'obtention du diplôme, de luttes contre le
décrochage, de poursuite d'études et d'insertion professionnelle à long
terme. Il est la première dépense pour l’emploi des jeunes alors qu’il
se développe essentiellement dans le supérieur, qu’il est très
inégalitaire et discriminatoire (70 % des apprentis sont des garçons).
Sélectif de surcroît il n'a donc pas fonction de "bien public" en
matière de formation professionnelle. Et si l’iniquité est régulièrement
questionnée à l'université, celle opérée à l’entrée de l’apprentissage
n’est, quant à elle, jamais débattue.
L'enseignement professionnel public est
la voie de réussite et d’intégration sociale des plus fragiles : il doit
donc être doté de moyens à la hauteur des enjeux qu'il représente (650
000 jeunes de 15 à 25 ans sans solution d'emploi ni de formation). Les
gouvernements successifs ont dépensé des millions d’euros et pourtant
les objectifs du nombre d’apprenti-es de niveau IV et V n’ont jamais été
atteints, loin de là ! (7 milliards d'euros dépensés en 2008 pour 427
000 apprenti-es et 8,2 milliards en 2012 pour 438 000– source CNEFOP)
Alors que de nombreuses études
confirment que les diplômé-es sont toujours mieux protégé-es du chômage
que les non diplômé-es, le gouvernement et le patronat fragilisent la
formation professionnelle en remettant en cause les diplômes nationaux.
La délivrance de blocs ou d'attestations de compétences dans des
dispositifs et/ou cadres législatifs comme dans le projet de loi Travail
participeront de cette précarisation des jeunes.
Le projet de loi Travail propose aussi
aux établissements d'enseignement secondaires privés hors contrat de
bénéficier de la taxe d'apprentissage (TA). Il s'agit ici de diminuer
d'autant le financement des lycées professionnels publics, dans un
contexte où la perte de 30 % de la TA subie depuis 2014 asphyxie et
empêche de fonctionner de nombreux Lycées Professionnels sur l'ensemble
du territoire ?
Le gouvernement doit enfin considérer le
service public de l’Education, notamment l'enseignement professionnel
public sous statut scolaire, comme un investissement pour l’avenir. Des
mesures ambitieuses doivent être prises pour une voie de formation qui
scolarise les élèves quels que soient leur condition sociale, leur sexe,
leur lieu de résidence ou leur origine. C'est bien l'enseignement
professionnel public qui doit être développé pour accueillir tou-tes les
jeunes qui le souhaitent.